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Le Mékong nourricier.

On ne peut imaginer la paix intérieure que l’on ressent quand on ne regarde plus la télévision, qu’on zappe les informations et qu’on se laisse vivre comme un lézard profitant de la chaleur. Pourtant de retour à Phnom Penh - notre hôtel jouxte le palais royal - en prenant la rue piétonne qui longe ce somptueux édifice pour aller diner au bord du Bassac, ce bras qui relie le Mékong au grand lac Tonlé Sap, nous avons frôlé plusieurs familles qui logeaient avec leurs enfants à même le trottoir. Vous m’objecterez, comme dans la chanson que la misère est quand même moins triste au soleil et j’en conviens. Il n’empêche que, plus l’économie libérale se développe, et ici, elle se développe rapidement, plus elle laisse de gens sur le bord des rues, des gens qui n’ont pas pu ou pas su prendre le train de la croissance en marche et qui ensuite ne peuvent plus le rattraper. Je dois avouer, à contre cœur car j’aime ce pays, qu’il a généré en même temps qu’une notable ascension économique, une misère qui commence vraiment à se voir. Ce n’était pas du tout le cas, au siècle dernier, dans les années 60. Ça y est, allez-vous vous exclamer : « Papy va encore ratiociner et nous dire que de son temps c’était mieux ». Eh bien non, chères lectrices et lecteurs, je vais en revanche vous rappeler une réalité hydrologique unique au monde qui empêchait naguère au peuple khmer de souffrir d’indigence et de malnutrition. Le niveau d’étiage du Mékong à la fonte des neiges au Tibet, où il prend sa source, devient plus haut, bien plus haut que celui du Tonlé Sap et une partie de ses eaux, enrichie par les limons arrachés tout au long de son itinéraire chinois et laotien, au lieu de déferler vers la mer remonte par le Bassac jusqu’au grand lac faisant doubler la superficie de celui-ci. Quand elles se retirent à la saison sèche pour retourner vers le Mékong, elles laissent une vaste superficie fertilisée naturellement où le riz pousse en abondance et où le poisson fourmille.

Le Mékong nourricier.Le Mékong nourricier.

Tout au long de leur histoire, nos amis cambodgiens, grâce à ce fleuve nourricier - tel le Christ sur le lac de Tibériade multipliant poissons et petits pains - bénéficiaient d’inépuisables provendes. Alors oui j’y viens cette fois : « De mon temps on ne voyait pas de mendiant dans les rues de Phnom Penh. Certes il y avait des riches, des moins riches et des pauvres mais les pauvres avaient un toit, fût-ce une humble paillote, et surtout ils mangeaient à leur faim ce qui rend l’utopie meurtrière des Khmers rouges encore plus insane. Marx a bien dit que la révolution concernait « ceux qui n’ont à perdre que leurs chaînes et tout un monde à gagner ». Or la pire des chaines étant la misère à quel monde peut-on espérer quand elle ne nous entrave pas vraiment ? En vidant les villes et en faisant massacrer un tiers de la population, les idéologues fous ont au contraire créé les conditions idéales pour faire éclore un capitalisme sauvage à leur disparition. Des campagnes appauvries par une gestion calamiteuse des rizières, les foules affamées ont reflué vers la capitale créant une surpopulation difficilement gérable. (Effet exactement inverse à l’effet souhaité par les Pol pot et khieu Samphân, ces théoriciens de l’horreur). Aujourd’hui, comme partout dans le monde, ce doux pays de ma jeunesse vit une course effrénée à l’argent qui laisse les plus faibles sur le bord du chemin. Il est vrai que dans les années 60, il n’y avait pas non plus de SDF chez nous, hormis les folkloriques clochards de la capitale sans lesquels Paris n’aurait pas été Paris et qu’aujourd’hui mendiants et sans logis fleurissent sur les fumiers de l’opulence. Il faudra bien un jour que ça change, nom de dieu ! Vivaaaaaa !

Le Mékong nourricier.Le Mékong nourricier.
Le Mékong nourricier.
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