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Drame sur la twittosphère.

Préoccupant ce mal être qui pousse une jeune fille de 19 ans à annoncer sa mort prochaine sur le site périscope en se filmant avec son smartphone. Je l’écoute, je la regarde. Elle est juste un peu tendue. Et j’éprouve une gêne qui confine au sentiment de culpabilité. Quelle détresse devait-elle ressentir pour en arriver à se jeter sous un train tout en filmant ce saut désespéré vers la mort, comme si elle voulait laisser à ceux qui, atterrés, contempleront la scène, un message que ses propres paroles ne parvenaient pas à exprimer. Son ex petit ami l’aurait violée en filmant son acte avec, semble-t-il, l’intention de diffuser la scène sur « Snapchat », un autre site périscopique qui permet d’afficher sur la toile les pires turpitudes. C’est ce qu’elle aurait dit à un moment, mais rien n’a encore été prouvé. Personnellement la question qui me hante est : « Quelle société ont bâti nos élus et ceux qui financièrement les soutiennent ? Quelle société, nous, les adultes, avons nous laissé se développer sans en discerner réellement les travers ? ». Nous vivons aujourd’hui dans un monde totalement narcissique, un monde d’auto-contemplation qui laisse peu de place aux timides et à tous ceux qui ont du mal à s’exprimer ; un monde qui pousse les individus voulant s’affirmer à tout prix, à faire de la provocation et à commettre des violences inouïes sur autrui ou sur eux-mêmes. Alors que la communication collective a atteint des sommets hallucinants, les solitudes individuelles n’ont jamais été aussi profondes. N’avez-vous pas été involontairement bousculé dans la rue par quelqu’un qui, les yeux rivés sur l’écran de son Iphone ou de son Samsung, ne vous avait pas vu ? A Paris cela m’arrive presque tous les jours et pourtant je suis physiquement l’inverse d’un passant filiforme et effacé. D’ailleurs, je ne m’efface pas et m’immobilise volontairement en face de ces zombis de la communication virtuelle pour qu’ils me tamponnent. Certains, le regard rivé sur leur écran, s’écartent sans dire un mot et poursuivent, comme s’ils avaient heurté un objet flottant non identifié, leur navigation illusoire sur l’océan sans fin et sans fond du net qui les arrache du monde réel. D’autres, mieux élevés, marmonnent de vagues excuses sans, malgré tout, lever la tête pour voir l’être vivant, l’être humain qui s’est trouvé sur leur chemin et avec lequel ils auraient pu échanger de vraies paroles, établir un contact tangible. Ciel, que ce monde est désolant ! Il me fait parfois regretter le temps de mon enfance où les gens, le soir s’asseyaient sur le pas de leur porte pour papoter avec les passants. Ce matin j’ai vainement cherché à savoir le prénom de cette jeune fille qui s’est jetée devant le train en direct. Pour l’heure, elle n’en a pas. Demain on le connaîtra sans doute mais aujourd’hui elle se nomme ELLE, voire LA FILLE ou encore LA VICTIME dans la presse qui relate ce drame. Pauvre demoiselle qui communiquait avec l’éther mais de toute évidence ni avec ses parents, ni avec ses proches lesquels, je suppose, auraient tout fait, tout tenté pour la dissuader de se détruire. Tout à l’heure, j’ai lu dans la presse : « Sur la twittosphère, les internautes se divisent entre ceux choqués et les autres, attristés par cet acte »... la twittosphère, vous avez bien lu comme moi, la twittosphère : cette sphère qui contrairement à la terre n’existe que dans les crânes des « homos informaticus » préférant le clavier à la parole et le virtuel au réel. Pauvre gamine si seule, si bouleversante avec ses longs cheveux noirs, ses deux piercings aux lèvres qui fume nerveusement et avoue qu’elle veut transmettre un message, sans vraiment préciser lequel car comment crier « SOS code j’existe » dans un appareil qui transmet vos propos mais ne vous répond pas. C’est un soliloque que la jeune fille envoie. Elle dit « Ce que je vais faire ce n’est pas pour faire le buzz mais je sais que ça le fera » Et ça l’a fait. Moralité, c’est sa mort qui lui a donné vie. Fallait-il qu’elle se sente perdue sur notre terre pour aller s’anéantir sous les yeux horrifiés d’amis parfaitement inconnus. Peut-être que Rimbaud aujourd’hui aurait fait de même et à 17 ans se serait tiré une balle dans la tête en direct après avoir déclamé son « Bateau Ivre » sur cette twittosphère. Par bonheur, à l’époque, il n’y avait que notre bonne vieille planète, que l’homme aux semelles de vent a foulée pour venir à Paris se faire connaître et nous livrer, avant de disparaître en Abyssinie, sa prodigieuse « Saison en enfer ». La demoiselle de 19 ans, elle, ne l’a pas écrite, elle vient de la vivre.

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