Le billet de ce matin ne plaira pas à tout le monde, y compris à moi même car je l’écris pour nous rappeler tout ce qu’en conscience nous devrions faire et que nous ne faisons pas. Je nous accuse, moi, vous, d’être pétris d’idées généreuses, de bonnes intentions, de clairvoyance - moi peut être plus que vous pour l’instant en raison de ma diplopie qui me fait voir double – mais d’agir très souvent en non conformité avec nos convictions, nos sentiments ou notre lucidité.
Nous savons tous par exemple que le moteur à explosion est l’une des pires sources de pollution atmosphérique mais nous n’envisageons pas de reconsidérer nos moyens de locomotion. Ça, en revanche c’est un bon point pour moi qui me suis libéré de la voiture – bien que durant une grande partie de ma vie je l’aie utilisée sans m’accorder la moindre restriction - un bon point donc sans mérite, puisque sur mes vieux jours, j’ai eu de surcroît la possibilité, par le seul fruit de mon travail, de pouvoir habiter dans le cœur des villes où je bénéficie des transports en commun. Beaucoup de nos semblables n’ont pas, hélas, les moyens de faire ce choix et ne peuvent se passer de voiture. Dans ce cas, ils pourraient au moins en limiter l’usage au strict minimum. Au demeurant, il est tellement plus économique quand on a des enfants d’entasser toute sa famille dans un seul habitacle que d’acheter 5,6, billets de train. Moralité on vitupère contre la pollution tout en étant soi même un pollueur. On pourrait peut-être alors opter pour un véhicule électrique ? Hors de prix me rétorquera-t-on ! Alors pourquoi pas un hybride ? Encore trop cher ! Que répondre à ces arguments de poids ? Le système capitaliste est ainsi fait. Plus il y a d’acheteurs plus les prix baissent et plus les progrès technologiques augmentent. Moins il y en a, plus les coûts sont élevés et moins on fait d’effort pour améliorer les performances. Nous voici donc contraints par les lois stupides du marché, uniquement basées sur le profit, d’être les empoisonneurs de nos propres progénitures.
Idem pour la nourriture. Les magasins d’alimentation - grandes ou petites surfaces - étalent tous les mêmes victuailles traitées par des substances appelées phytosanitaires extrêmement nocives : fruits, légumes, céréales bourrés de pesticides, viandes imbibées de sulfites, d’antibiotiques, de colorants chimiques. Pendant des dizaines d’années, faute d’informations, de clairvoyance et de détermination, j’ai fait consommer à mes enfants et j’ai consommé moi-même ces vivres trafiqués et dangereux. Il faudrait bien évidemment les boycotter et opter pour des aliments biologiques. C’est ce que je m’efforce aujourd’hui personnellement de faire.
Oui mais nous, nous ne gagnons pas assez pour ça, vont objecter la plupart d’entre vous. Et nous voici donc condamnés à faire avaler à nos enfants des provendes gorgées de poisons qui risquent d’obérer gravement leur santé et d’abréger leur vie.
La voilà la mortelle gageure de ce système contre lequel nous devons impérativement nous révolter parce qu’il met en péril la vie de nos gosses et plus largement la survie de l’humanité. Des débuts de solutions sont à notre portée : manger moins mais mieux, et choisir pour le même prix de petites voitures électriques pas du tout tape à l’œil plutôt que de grosses berlines qui en jettent, parce que croyez-moi elles en jettent… du CO2.
Quels que soient les moyens dont on dispose on peut, par de petits gestes citoyens, changer le cours de choses. Si la voiture électrique devient à la mode elle coûtera de moins en moins chère. Idem pour le bio. Alors aux armes citoyens ! Méditez cette légende amérindienne chère à Pierre Rabhi :
« Un jour il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! "
Et le colibri lui répondit : Je le sais, mais je fais ma part. »