A Bichat j’ai partagé une chambre avec un inconnu de 85 ans qui venait d’être durement frappé par un AVC. L’hémiplégie avait paralysé son côté gauche et altéré, bien sûr, son élocution. Pour le comprendre je devais parfois coller mon oreille tout près de ses lèvres. Ainsi, j’ai pu découvrir un homme brave qui ne manquait ni d’humour, ni d’énergie et qui savait sourire même dans les pires situations. Pour le conduire aux toilettes il fallait le hisser à l’aide d’un élévateur et, témoin de cette opération délicate, je le voyais s’élever sous mes yeux telle une âme légère. Je m’écriais alors : « Voici l’esprit saint qui monte vers le ciel ». ça le faisait sourire. Il avait été naguère un PDG de la société Saint Gobain, mais dans les hôpitaux, il n’y a plus de PDG, plus d’anar, rien que des hommes en souffrance. Quand je l’ai laissé pour retourner chez moi, il m’a dit d’une voix voilé par l’émotion : « Jean, j’aurais aimé être votre ami »
- Mais vous l’êtes, ai-je rétorqué.
- Oui, mais beaucoup plus tôt, quand nous étions jeunes, a-t-il précisé.
Ma réponse était toute trouvée.
- Mieux vaut tard que jamais.
Et je lui ai promis que sitôt rentré chez moi, je lui dédierai un poème. Il l’a reçu hier et m’a envoyé de sa seule main valide ce texto : Merci Jean. Vous me manquez beaucoup.
A moi aussi il me manque.
Hommage à un compagnon d’infortune.
Parfois, il se hissait presque jusqu’au plafond
On eût dit un derviche plongé en pleine transe.
Il filait sous nos yeux telle une apparition
Pressé d’atteindre sans heurt, le lieu d’aisance.
Ce fut un compagnon de chambrée exemplaire
Un bel esprit frappé par la fatalité
Brave dans la douleur, tenace, volontaire
Aimant la vie, l’humour et… Les commodités.
Il me manque déjà cet homme de valeur
Qui fut un des piliers du puissant Saint Gobain
Moi qui suis incroyant mais qui aime les saints
Comment ne pas aimer un de leurs serviteurs ?
Salut à toi, compagnon de chambrée
Notre amitié fut belle, avant ce nouvel an
Elle nous a évité à tous deux de sombrer
Dans les mélancolies du découragement.
Tu sortiras vainqueur de cette adversité
Qui te cloue pour l’instant sur un lit d’hôpital
Et grâce, j’en suis sûr, à ta force mentale
Tu reconquerras vite ta verticalité.
Vivaaaa !
JB
Demain suite des poème de Bichat.