Une fois encore je me permets de partager avec vous un remarquable poème de Jean Claude Perpère "Memento mori." A sa promenade dans un cimetière qui lui inspira des vers très imagés je réponds par un sonnet "In memoriam" histoire de ne pas le laisser errer seul parmi les tombes
MEMENTO MORI
Musardons, douce amie, en ce vieux cimetière
Peuplé de grands cadavres qui eurent une vie fière.
Admirez cette allée bordée de monuments
Qui disent que ces morts vécurent noblement.
Les riches ont érigé sur leur carré de terre
Imposantes chapelles et hôtels funéraires
Pour distinguer leur sort de celui du commun,
Signal de vaine gloire à tous et à chacun.
Certains des plus illustres (ou jugés comme tels)
Ont eu leur effigie burinée sur des stèles.
Leur nom s’est effacé mais reste leur image
Qui nous dit ce qu’ils furent : ici un regard sage
Sous un large front docte, la bouche débonnaire ;
Là-bas, oeil audacieux et menton volontaire ;
Untel glabre et replet, tel autre maigre et barbu.
Dérisoires et tristes icônes d’époques révolues.
Voyez donc cette dalle de marbre pentélique
Gravée de l’écusson d’un régiment d’Afrique
Ci pourrit lentement un maréchal de France :
Il vainquit, outremer, une mauvaise engeance
Qu’il sut civiliser au sabre et au canon,
Exploit qui lui valut, par chez nous, grand renom.
Tout près, scellant ici l’alliance ancestrale,
(Goupillon de l’évêque et sabre du maréchal)
Ce mausolée cocasse, église miniature
Aux vitraux verts et bleus : c’est la vaine sépulture
D’un prélat éloquent qui, du haut de sa chaire,
Vouait les orgueilleux aux tourments de l’enfer.
Et jouxtant cette tombe, semblant quêter pardon
Un angelot coquin aux airs de Cupidon
Veille depuis des lustres sur cette lame plane
Sous laquelle repose la belle courtisane
Qui sut un jour séduire le grand Napoléon.
On dit qu’elle ne portait jamais de pantalon
Et qu’elle allait cul nu sous ses jupons de soie.
Les troussant sans pudeur pour enflammer les rois,
Adextre à les purger de leurs humeurs sinistres
Et suborner aussi leurs plus puissants ministres
.
Sur ce donjon de marbre, vous devinez des armes
D’or à la croix de gueules et chargées de trois larmes
De sable : c’est l’antique blason d’un stupide marquis
Qui fut hâtivement jugé et raccourci
Un matin printanier de l’an quatre-vingt-treize
Suspect d’avoir pleuré en secret Louis Seize.
Fatras de vanités tragiques et ridicules
Réduites à quelques os et pauvres molécules !
Examinons, voulez-vous, sous les mauvaises herbes
Ce tombeau délaissé et cerné par des gerbes
De ronces et de chardons. C’est un ingrat calcaire,
On peut y lire un nom : "Ci-git J.C. Perpère",
Patronyme oublié d’un destin fugitif
Et qui s’évanouit comme un soupir furtif.
JCP, Paris 07.09.2017
In Memoriam
Cette badauderie parmi les vieilles tombes
M’inspire une vision et des pensées bessonnes.
Dans une allée mortuaire balayée par des trombes
Qui soulèvent en spirale les feuilles de l’automne,
Je les sens. Ils sont là, ces gens qui ne sont plus
Affichant dans le marbre ou dans de grands sépulcres
Leur morgue, leur noblesse, leur rigueur, leurs vertus,
De fausses épitaphes cachant les goûts de lucre.
Et puis là, en retrait, loin de ces grands élus,
Foisonnent les dalles des trépassés ordinaires.
Sous un arbre qui sert de feuillée aux moineaux
Deux vieilles croix plantées sur deux amas de terre
Voisins, signalent, l’une, le nom de J.C Perpère
Et l’autre celui d’un certain J. Bertolino.
Amen
JB