La Terrible Réalité
Las ! Le vœu du héros était trop ambitieux.
Certes Zeus s’écroula et l’olympienne bande
Abandonna sans bruit les temples et hauts lieux
Où s’étaient tus les hymnes et laissés sans offrande.
Des prophètes hébreux au nom d’un Dieu unique
Jetèrent l’anathème sur les vieilles pratiques.
Puis un Homme apparut, qu’on prit pour le Messie.
Il exhortait les hommes à l’amour pour autrui.
Ses fidèles bientôt le dirent Fils de Dieu
Mais cela ne plut pas aux caciques du lieu :
En un procès inique on condamna sa foi
Et on le mit à mort, tout nu, sur une croix.
Ses apôtres errants s’imposèrent à Rome
Où bientôt tout le monde pria le Fils de l’Homme.
Puis durant plusieurs siècles, faisant de l’amour haine,
Leurs épigones fous placèrent dans les chaînes
Tous ceux qui à leurs yeux étaient des hérétiques
Ou qui ne croyaient pas. Les juges fanatiques
Condamnaient au fagot tous les non-catholiques,
Et ceux qu’on soupçonnait de manoeuvres magiques,
Les sorciers et les Juifs qu’on disait déicides,
Portés au sacrilège, engeance au coeur aride.
Pendant ces siècles-là, voilà qu’en Arabie,
Un chamelier fort pieux un beau jour entendit
Un envoyé divin qui à lui seul transmit
Du même Dieu unique des ordres différents.
Ses fidèles d’abord conquirent tout l’Orient
Avant de se lancer vers l’Afrique et l’Espagne.
Sans l’intrépide et ferme aïeul de Charlemagne
Ils eussent pu aussi s’emparer de la France.
En leur immense empire, imposant leur croyance
Ils prohibèrent toute autre profession de foi.
Depuis lors se confrontent le Croissant et la Croix.
De croisade en djihad et colonisations.
Arabes, Turcs et Francs, sans nulle concession
Sont prêts à en découdre à la moindre occasion.
Et aujourd’hui encore les sultans de l’or noir
Et les émirs du gaz, de leurs tas de dollars
Financent les prêcheurs d’islam fossilisé,
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Et arment en sous-main les tueurs fanatisés.
Reste le peuple juif, qui subit la passion,
Les pogromes du tsar, les bûchers de l’Europe,
Le cloître du ghetto et une vie de taupes.
Ce martyre incessant pendant plus de mille ans,
Finit en génocide sous le Reich allemand.
On a donc octroyé à ces persécutés
Le pays mirifique dont ils avaient rêvé
Depuis que les Romains leurs pères avaient chassés.
Survivants et leurs fils aussitôt installés
Bannirent à leur tour les occupants des lieux
Qui depuis dix-huit siècles habitaient sous ces cieux :
Musulmans et chrétiens, gens de vilaine race
Pour ceux qui revenaient, disaient-ils, sur les traces
De leurs lointains ancêtres. Ces décennies dernières,
Ces juifs obstinément repoussent les frontières
De leur pays bastion. Et des terres conquises,
Des villes et villages, ils dominent ou bannissent
Les malheureux vaincus. Et ceux qui ne fuient pas
Inexorablement sont soumis aux diktats
Qui les font sans-patrie en leur propre pays :
On détruit leurs maisons pour un non pour un oui,
Opprobre, humiliations, contrôles incessants,
Spoliation de leurs biens, lendemains angoissants.
Les opprimés d’hier devenus oppresseurs
Du peuple assujetti piétinent la douleur.
C’est là un compendium de notre triste Histoire.
Et nous ne sommes pas au bout de nos déboires !
Regardons vers l’Asie : d’abord l’immense Chine
Qui, enfin éveillée, a vaincu la famine
Et voilà qu’exhibant ses fusées, ses navires,
Au détriment des autres veut grossir son empire.
Et la Corée du Nord, dont le peuple asservi,
Tous les jours se languit d’un chiche bol de riz !
Le tyran fou d’orgueil, par le feu de l’atome,
Vocifère son voeu de calciner les hommes,
Et cet Etats-unien aussi fat que cynique
Qui veut vouer le monde à l’enfer climatique,
Et l’Afrique livrée aux clans de prédateurs,
Et le bonheur de tous que les spéculateurs
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Impudemment soumettent à leur cupidité,
Générant le chômage et l’insécurité.
Et les poisons enfin que les firmes chimiques
Epandent sur nos vies, méprisant les critiques.
Les états impuissants à protéger leurs gens
Sont trop souvent complices des maîtres de l’argent.
Sont-ils donc insensés qui déclarent des guerres,
Affament leur prochain et le jettent à terre ?
Ne voient-ils pas ceux-là qui perpètrent ces crimes,
Qu’ils ne sont qu’embarqués, mêlés à leurs victimes,
Sur l’agate opaline, si précaire roue de vie
Roulant dans la froidure du cosmos infini.
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J.C. Perpère