Il est des jours, comme ça, où on a la nostalgie du pays de son enfance, mais on le voit rarement tel qu’il est aujourd’hui. Tout est beaucoup plus beau dans l’esprit du rêveur qui a gardé en mémoire les images d’hier si différentes de celles d’aujourd’hui. A la fois plus rustiques, moins opulentes, plus proches de la nature qui désormais recule à grand pas.
Racine
On est tous d’une ville, d’un village, d’un lieu dit
Mais quand on s’en échappe pour aller fuguer
A l’autre bout du monde, on envoie valdinguer
Avec son enfance, ses souvenirs, pardi !
Adieu mon Nivolet, mon Penet, mon Granier
Ma Dent du chat, mon Corbelet et mon Revard,
Ces monts que ne voient plus les gens trop casaniers
Les ayant chaque jour au fond de leur regard.
Adieu aussi Maché ce cher faubourg caduc
Epargné par la guerre, pas par les promoteurs.
Et Adieu Chambéry qui hébergeait nos ducs
Dans son château aimé des enfants batailleurs,
Lesquels dans ses recoins et ses allées secrètes
Tendaient des embuscades ou trouvaient des cachettes.
Puis, ayant très longtemps parcouru la planète,
Le fugitif s’étonne de trouver dans sa tête
Son cher pays d’enfance qu’il croyait effacé,
Parfaitement intact, tel qu’il l’avait laissé,
Avec ses venelles pas encore fracassés
Par ceux qui s’enrichissent en rasant le passé,
Avec ses montagnes issues du fond des âges
Et ce lac que Lamartine naguère magnifiait.
Mais le temps n’a pas écouté son message
Et suspendu son vol comme il l’en suppliait.
Lorsque dans sa vallée le vieux fugueur revient,
En dehors des sommets qui sont immarcescibles,
Il est un peu choqué, ne reconnaît pas bien
Les lieux de son enfance. Ils ont été la cible
Du développement et des entrepreneurs
Qui ont tous, dans l’urgence, saccagé la nature.
Lacérée d’autoroutes et truffée de clôtures,
Elle a perdu beaucoup de charme et de splendeur.
Jadis on n’érigeait que de beaux bâtiments,
De solides demeures avec toits en auvent
Soucieux que l’on était de ne pas affadir
La puissante beauté de l’environnement
Qui enchâssait les localités de Savoie.
C’est elle, qui dans l’enfance, s’est gravée en moi
Et en surimpression, mes pensées volatiles
Me la restituent quand je reviens dans ma ville.
JB