Qu'un ami véritable est une douce chose!
Il cherche vos besoins au fond de votre coeur ;
Il vous épargne la pudeur
De les lui découvrir vous-même.
Un songe, un rien, tout lui fait peur
Quand il s'agit de ce qu'il aime.
Cette magnifique conclusion du poème « Les deux amis » de La Fontaine, a éveillé en moi l’envie de raconter l’histoire vraie d’une grande amitié.
Deux vraies amies
Les deux amies de cette fable ne demeuraient pas
Comme ceux de La Fontaine au Monomotapa.
Amies est féminin. Il s’agit donc de femmes
Dont je vais dans ces lignes dépeindre la belle âme.
L’une venait de Bordeaux, d’un quartier populaire
Qu’on nomme aujourd’hui banlieue, un mot qui fait peur.
Sa mère mourut jeune. Son père étant éboueur,
Dès l’adolescence elle veilla sur ses deux frères.
Ça ne l’empêcha pas de suivre des études
Dans l’espoir de sortir de cette vie trop rude
Et d’acquérir des connaissances éclectiques.
Brillante, elle décrocha en sciences politiques
Un diplôme couronnant un effort remarquable.
Car c’est, évidemment, après la soupe du soir
Que, sur la même table, elle faisait ses devoirs
En y étalant les livres qui gonflaient son cartable.
Quand ses frères eurent l’âge d’être des conscrits,
Elle sut qu’elle devait prendre le train pour Paris
Et s’occuper, enfin, de sa propre existence
Dans cette ville qui permet toutes les espérances.
C’est dans une grande radio où elle était stagiaire
Qu’elle rencontra celle qui deviendrait son amie.
Elle était le contraire d’une fille de prolétaires
Mais, comme elle, rêvait de réussir sa vie.
Son enfance avait été sans ombre et choyée
Par une tendre mère ex petite main chez Dior
Et un père issu d’un milieu privilégié.
Il chérissait ses gosses comme d’autres chérissent l’or.
Et dans son beau quartier cette vraie Parisienne
Héritière heureuse de la gouaille de sa mère
Enrichie par l’humour élégant de son père
Menait une existence légère et sereine.
Elle sut faire sourire celle dont la gaité
Eclairait rarement le beau et fin visage.
Il se créa entre elle une complicité
Qui dura jusqu’au bout et s’accrut avec l’âge.
La fille de Paris, un jour, quitta le nid
Et laissa ses parents pour une vie de bohème
Avec ses libertés, ses folies, ses dilemmes
Quand le cœur se perd dans des embrouillaminis.
Elles devinrent très proches grâce à cette existence
Qui effaçait entre elles toutes les différences.
La fille de Bordeaux trouva l’homme de sa vie
Et peu de temps après la Parisienne aussi.
Refusant entre elles deux le moindre éloignement
Elles pouvaient s’entrevoir de leurs appartements
Qui, dans la même rue se trouvant juste en face,
Leur permettait, pour rire, d’échanger des grimaces.
Puis celle de Bordeaux connut tôt le veuvage
Et la douleur du deuil qui rougissait ses yeux.
Pour cette fille qui n’avait jamais été volage
La mort de l’être aimé fut un malheur affreux.
Des tumeurs incurables la frappèrent durement.
La Parisienne alors accrut sa prévenance.
Elles firent de grands voyages entre les traitements
Qui ne décomptaient pas les heures de souffrance.
Pour qu’elle y pense moins, elles suivirent des cours
Au Louvre, à la Sorbonne et partout alentour
Comme dans sa jeunesse, la fille de Bordeaux
Remplissait des cahiers et oubliait ses maux.
Mais un jour c’est le mal qui eut le dernier mot
Et elle s’éteignit comme s’envole un oiseau.
Depuis, la Parisienne, fidèle à cet amour
Continue tout seule d’assister à leurs cours
Mais pourquoi y a-t-il un siège vide près d’elle ?
N’est-ce pas pour garder la place de l’absente
Qui apparaît toujours après une brève attente
Comme un souffle chargé d’une tendresse immortelle ?
JB
La pub qui s'est interpolée contre mon gré dans mon poème est une intrusion. Les gérants de ce blog pourraient avoir la décence de la mettre seulement en fin de texte !