Fin de ma quadrilogie. Après si j’étais une Rivière, Mare Nostrum, Si j’étais un Arbre, si j’étais l’Air, voici : Si j’étais la Terre…
Mes très chers enfants
( Après cette intrusion publicitaire mal venue)
Je ne vais pas reparler de toutes mes extinctions
Ni trop vous angoisser avec celle qui arrive
Je ne vais pas non plus décrire les destructions
Que j’ai subies par votre engeance agressive.
Rivières, Mers, Arbres et Air vous l’ont clairement dit,
Je ne suis plus à même d’assumer mes fonctions.
Ma biosphère a été pillée, enlaidie
Par des humains voraces que guide l’ambition.
Je vous ai tant aimés quand vous étiez petits,
Errant dans les dédales de mes forêts immenses,
Humbles, désarmés, inquiets et pleins de modestie
Très souvent affamés, en quête de pitance.
Prédateurs raisonnables vous respectiez vos proies.
Avant la chasse vos peintres se mettaient à l’ouvrage
Et les reproduisaient avec beaucoup d’émoi
Convaincus que leur âme survivrait dans l’image.
Et vous avez laissé des œuvres exceptionnelles
Dans des grottes sacrées aux bestiaires somptueux
Comme si vous offriez une vie éternelle
Aux bêtes chassées pour nourrir vos ventres creux.
Mais parmi vous vivaient des tribus cannibales
Qui elles n’avaient pas l’esprit respectueux
Et n’éprouvaient aucune répugnance morale
A chasser des humains vieux ou peu vigoureux,
Proies bien plus faciles que les animaux sauvages :
Pachydermes, plantigrades ou félins très hargneux
Qui des piètres chasseurs faisaient un grand carnage
Et ne se laissaient vaincre que par des courageux.
J’aurais dû châtier ces êtres pleins de bassesses
Calculateurs, madrés, qui pour se rassasier
N’hésitaient pas à tuer des êtres de leur espèce
Pour les mettre à rôtir aux flammes des brasiers.
Mais pour ça il fallait tous les faire disparaître
Sous des froidures intenses ou un air trop brûlant.
Or j’étais si fière des bons que j’avais fait naître
Que pour qu’ils vivent j’ai épargné les méchants.
Et ce sont eux, plus tard, qui ont pris le pouvoir
Ils se sont disputés pour chaque territoire.
Or les méchants quand leurs querelles sont de taille
Utilisent les bons sur leurs champs de batailles,
Ceux dont les ancêtres étaient de vaillants chasseurs.
Et pendant qu’ils s’étripent, les maîtres jouent aux stratèges
Déplacent sur des cartes un doigt ou des curseurs
Sans penser aux cadavres qui tombent dans leurs pièges.
Ils ont fait tant de guerres, provoqué tant de morts
Que je ne sais pourquoi ils sévissent encore.
Entre eux les rapports sont rarement pacifiques
Et ils mènent aussi des guerres économiques.
Elles plongent le genre humain dans des détresses immenses
Le laissant étourdi, désarmé, sans défense,
Macérant des pensées brouillées par la rancœur.
Qui poussent certains d’entre eux à s’allier à des tueurs.
Bien que je sois très triste d’avoir à vous le dire,
Si vous n’agissez pas pour chasser ces méchants,
Je me trouverais dans l’obligation d’agir
Et de vous sacrifier tous, mes très chers enfants.
JB