A mon ami d’enfance Jean Villard qui est à l’hôpital de Chambéry. Puissent nos ondes positives l’aider dans son combat contre ce fléau qui frappe tant d’être chers autour de nous. Et à Hélène son épouse qui veille sur lui.
(Après cette intrusion publicitaire scandaleuse s'ils osent la faire)
TA VOIX
Ô Jean, l’ami, le frère Jean de mon enfance
Tu as le même âge et le même prénom que moi.
Nous étions les deux Jean d’une même souffrance
Dans cet orphelinat austère de Savoie.
Ô Jean, mon ami Jean, je nous revois souvent,
Si petits, si fragiles, dans ces cohues d’enfants
Qui n’avaient pas l’air gai, mais pleuraient rarement
Contrairement à nous qui avions des parents.
La guerre les contraignit à cette décision
Douloureuse d’avoir à nous mettre en pension
A l’écart des dangers et que saufs nous fussions.
Ils n’avaient pu trouver que cette institution
Ouverte à des gamins n’étant pas orphelins
Mais issus de famille qui étaient dans le besoin.
Ô Jean, premier ami, connu à Saint Alban
Il y a de cela plus de quatre vingt ans.
A la Libération, ce fut la communale
Où jusqu’au « certif » nous fûmes voisins de pupitre
Tu étais très discret, moi je faisais le pitre,
Mais on fonctionnait comme un être bicéphale.
Je captais tes pensées, toi tu captais les miennes.
Nos devoirs se valaient, nous les faisions tous deux.
Parfois tu bégayais et pour qu’on te comprenne,
Je finissais tes phrases et tu acquiesçais des yeux.
Tu étais un gaucher contraint d’écrire à droite
A une époque où l’on croyait que c’était mieux.
Qu’importe si cette main n’était pas très adroite
Et ton débit verbal parfois très capricieux.
Mais dès qu’on n’eut plus à te faire souffrir
Avec cette main rebelle, fort gauche pour écrire,
Apprenti pâtissier très apprécié tu fus,
Etant presque ambidextre et ne bégayant plus.
Au sortir du collège je passais te saluer
Dans l’atelier où tu fabriquais les gâteaux.
Tu me gardais toujours un délicieux cadeau
Qui rien qu’en le voyant me faisait saliver.
Tu es resté au pays durant toute ta vie
Et moi je suis parti courir les grands chemins.
Nos vies nous ont beaucoup éloignés, c’est certain
Par la distance seulement mais jamais par l’esprit.
Lorsque je revenais de mes pays lointains
Une voix trébuchante m’appelait en Savoie
Et dès que j’étais libre je sautais dans un train
Car cette voix d’enfant avait été ta VOIX.
Hier, juste avant mon éveil, de l’orphelinat
J’ai revu clairement cette image éphémère
D’un tout petit hurlant dans les bras de sa mère
Contrainte par le sort de le déposer là.
Tu la retenais fort pour qu’elle ne parte pas
Mais en pleurs, elle te confia à ton frère Eugène
Plus âgé et sachant ne pas montrer sa peine
Quand elle s’éloigna en marchant à grands pas.
Ce souvenir si clair et pourtant si lointain,
A mon réveil un long moment pensif me tint.
C’était comme si je venais vraiment de revivre
La naissance de l’amitié qui allait s’ensuivre.
JB.