Ma pensée du jour
(Après cette pub intrusive)
La douceur de vieillir
Je comprends mieux pourquoi on acquiert la sagesse
Au bout d’un long chemin semé de tentations
D’ambitions, de jalousies ou de frustrations
Qui s’apaisent à mesure qu’on entre dans la vieillesse.
Gengis Khan, le plus grand envahisseur terrestre,
Crut, ayant tout conquis, qu’il pouvait escompter
Désormais parvenir jusqu’aux confins célestes
Pour atteindre son but ultime : l’immortalité !
Il fit venir vers lui un sage taoïste
Connu dans toute la Chine pour ses hauteurs de vue.
Le vieux savant face à ce despote belliciste
Crut vraiment que sa dernière heure était venue.
Il n’allait pas mentir, dut-il en perdre la vie
Et faire croire à ce Khan au prodigieux destin
Qu’il pouvait comme les peuples qu’il avait asservis
Contraindre la mort à s’effacer de son chemin.
« Ne pas mourir c’est donc ce qui vous tient à cœur ? »
Lâcha le sage après une longue méditation.
Elle plongea le grand Khan dans une appréhension
Soudaine qui risquait de se muer en terreur.
Il eût volontiers fait trucider ce vieillard
Qui osait le scruter d’un malicieux regard
Mais il voulait que ce sage lui révèle tout bas
Comment venir à bout de ce dernier combat.
Et pour une fois maitrisant ses féroces pulsions,
Le Khan océanique écouta le vieux sage
Lui insuffler une sereine détermination
Pour franchir sans faiblir ce mystérieux passage.
Que lui révéla-t-il ? L’histoire ne le dit pas
Comme on ignore ce qu’a pu dire à Attila
Le Pape Léon pour lui faire rebrousser chemin
Alors qu’il campait tout près du mont Palatin.
Le vainqueur de Rome qui eût pu être empereur
Tourna bride et disparut dans ses vastes plaines..
Six siècles plus tard Gengis qui semait la terreur
En Transoxiane voulut revoir la Khéroulen,
Ce fleuve qui arrosait les steppes de son enfance.
Est-ce grâce au taoïste, à sa quiète influence
Qu’en Mongolie il décida de revenir
Pour pouvoir, sans regret, secrètement mourir
Sans pour autant que son empire cesse d’exister ?
Il expira en chemin. Ses proches bouleversés
Par ce décès soudain firent exécuter
Tous ceux qui croisaient le cercueil du trépassé.
S’il était rentré vivant de sa longue errance,
Jalonnée de cadavres, de ruines et de souffrances,
Aurait-il retrouvé de son enfance enfouie
La beauté d’un couchant ou l’éclat d’une nuit,
La griserie d’un vent frais, des prairies les fragrances
Voire cette fascination pour les remuants troupeaux
Que les bergers à cheval conduisent au cours d’eau
Et la joie d’être libre dans cette steppe immense ?
S’en serait-il voulu de sa vie de conquête
Lui, l’aimé de Tengri « l’éternel ciel bleu »
Des Mongols qui faisait déferler les tempêtes
Sur les terres où l’on vénérait tant d’autres dieux ?
Non ! Aucun vieux ne regrette une vie bien remplie
Mais quand la force s’en va viennent les mélancolies
Et une quête de beauté qu’on trouve en chaque lieu
Car le temps qui nous reste est devenu précieux.
VIVA !
JB