L’Educateur : le cinoche de Maché.
( Après l'intruisive pub)
JANOZIK LE REBELLE
Pendant la guerre dans mon faubourg, « L’Educateur »
Etait notre cinoche à nous, gosse de Maché
Surnommés « Matiérauds», d’un ton réprobateur,
Notre réputation étant fort entachée
A Chambéry dans les quartiers chics de la ville.
C’est vrai, les restrictions n’étaient pas la famine
Mais nos estomacs creux nous rendaient indociles
Et nous incitaient à commettre des rapines.
C’est ainsi que nous comblions nos maigres repas
En volant des victuailles « que les boches n’auraient pas »
Dans les échoppes où ils venaient faire leurs courses
Puis nous filions dare-dare, mus par de sacrées frousses.
Or, donc, l’Educateur, pour nous petits voleurs
Avait une porte de service où le père Dianon
Contrôleur des billets, Matiériaud de renom,
Nous accueillait à l’œil dans l’antre du bonheur :
Une grande salle obscure aux velours cramoisis
Qui sentait la sueur et un peu le moisi
Où tels des santons quelques centaines d’enfants
Etaient comme sidérés par le magique écran.
Celui-ci n’épargnait même pas les Allemands
Tous neutralisés par ce grand envoûtement
Et qui, soudain, hurlaient de façon effrayante
Quand leurs fesses écrasaient une de nos boules puantes !
Bref comme dans les films nous rêvions d’un baiser
Avec notre « bonne amie », une gamine de notre âge,
Lydie avait huit ans, un ravissant visage
Sur ses petites lèvres, les miennes se sont posées.
Patatras ! D’un coup est apparu la lumière
Et tous les regards convergèrent sur nous deux !
L’ouvreuse aux cheveux blancs, une célibataire,
Me chassa du cinoche sous des lazzis odieux..
Le père Dianon n’appréciait pas cette donzelle
Grenouille de bénitier et le jeudi suivant
Me fit entrer dans la salle subrepticement
Où passait le film tchèque « Janozik le rebelle ».
L’identification se fit spontanément
Et Jeannot le rebelle sortit fort en colère
Pour partir à la recherche de la mégère
Qu’il traita de vieille pute tout en déguerpissant.
Viva !
JB