Elle ne s’est jamais plainte, et pourtant…( Après la pub intruse)
Léa
Elle faisait penser à un tanagra, Léa
Quand venant de Manille elle a échoué là
Avec quelques mots d’anglais et son tagalog
Une langue boudée même par les philologues.
Et « Là », c’était Paris, qui dans le firmament
De la noire misère attire comme un aimant
Ceux qui, rêvant d’un ailleurs porteur d’espérance,
Se laissent happer sans esquisser de résistance.
Quand elle arriva « Là », elle n’en crut pas ses yeux.
Accueillie par des sœurs aux joyeux babillages
Qui exerçaient des emplois de femmes de ménage
Elle adopta, comme elles, ce travail laborieux.
Et puis de « Là », un jour, elle est venue ici.
Ici, c’est notre immeuble où elle trouva un gîte
Dans une chambre de bonne, le meilleur raccourci
Entre elle et nous pour ses ouvrières visites.
Le temps s’est écoulé, fort subrepticement,
Nous ciselant chaque jour sans qu’on s’en rende compte,
Puis, à l’improviste, le miroir cruellement
M’a soudain révélé que j’étais un géronte.
Or durant ces années, Léa, fée du logis,
Discrète et efficace côtoyait notre vie.
Sur cette femme d’Asie le temps n’avait pas de prise
Et elle conservait une silhouette exquise.
Mais il y a peu, un rayon de lumière
Venant de la fenêtre vint flasher son visage
Révélant quelques rides tout près de ses paupières
Et le regard d’une femme dans la force de l’âge.
Eh oui, le tanagra avait beaucoup mûri
Et mené sans se plaindre une modeste existence,
Industrieuse et forte comme celle du colibri
Qui, même dans l’épreuve, ne perd pas sa vaillance.
VIVA !
JB