Ma pensée du jour. (glissez sans cliquez sur la pub)
Le mutant cracheur de Co2
Quand je suis né, il n’y avait pas de voiture
Ou très peu et le peuple s’en passait très bien.
Il y avait les vélos, les bus ou les trains
Qui n’avaient pas trop dépareillé la nature.
On ignorait encore parkings et autoroutes
Stations service et aires de repos géantes
La croissance était faible mais plutôt rassurante
Les guerres nous firent entrer dans l’ère du mazout.
Quatorze-dix-huit a contribué à son heure
A faire entrer le monde dans l’ère du moteur
Mais pour venir à bout des lenteurs ancestrales
Il a fallu la deuxième guerre mondiale
Panzers de Guderian ou blindés de Joukov,
D’Eisenhower la surpuissance technologique,
On pilonna l’humanité pour qu’elle innove
Une fois libérée de ses tares archaïques.
En Asie le « cleaner » s’appelait Macarthur
Un nom prédestiné qui rime avec futur
Le Japon préfigura l’ère électronique
En recevant de plein fouet deux bombes atomiques.
Mais n’anticipons pas. Cette époque tragique
Mena à l’apothéose de la mécanique
L’auto que ne pouvaient s’offrir les prolétaires
Devint à la portée de leur petit salaire.
Ce n’était certes pas des Rolls-Royce ou Cadillac
Mais elles roulaient vite et bien ces petites bagnoles
Qui rendirent les humains plus gais et plus frivoles
Et qui semblaient ouvrir une ère paradisiaque.
Je me souviens de cette minuscule Renault
Capable de cacher quatre chevaux sous son capot
J’eus du mal à admettre étant jeune garçon
Qu’on me dise qu’un moteur valait quatre Percherons.
Je n’ai plus de voiture, mais quand j’en avais une
Je sentais qu’elle modifiait mon comportement
Et qu’une volonté de puissance inopportune
Venait parfois altérer mon raisonnement
Au volant, il m’arrivait d’avoir l’air farouche
Et d’entendre des insultes fuser hors de ma bouche
Plus jeune j’ai même échangé quelques horions
Avec des gens en proie aux mêmes réactions.
En fait de paradis, on nous fit un enfer.
Sans leur voiture beaucoup ne pourraient plus rien faire
Elle les conduit au travail quotidiennement
Et ils ont pour elle un réel attachement.
On s’est laissé piégé par ce leurre insidieux
Ce « moi prolongé » qui trouble notre entendement
Rimbaud était cet homme aux semelles de vent
Nous sommes des mutants crachant du Co2
Nous qui gîtons dans ces coquilles métalliques
Pareilles à un fleuve de cloportes en migration
Nous roulons à touche-touche dans la même direction
Avec une cécité collective dramatique.
JB