Ô Liban de ma jeunesse..
Aujourd’hui, pour toi, j'ai énormément de peine,
Ô cher Liban que j’ai connu à vingt-cinq ans
Quand à Baalbek, le soir, Herbert Von Karajan
Et son orchestre enchantaient les colonnes romaines
Alors tu prospérais dans une paix sans querelles,
On te surnommait la Suisse du Moyen-Orient.
Tu vis d’un œil inquiet l’entrée d’un peuple errant
Chassé de Palestine par l’armée d’Israël.
Soudain, ton fragile équilibre confessionnel
Se rompit quand j’atteignis mes cinquante ans
Et que Chiites, Sunnites, Druzes, Chrétiens, Palestiniens
Se tuaient avec rage et sans discernement
Au gré d’alliances variant du jour au lendemain.
Ô Liban à l’agonie de mes soixante ans
Où chaque communauté faisait sa sale guerre,
Qu’attisaient des voisins et leurs secrets agents.
Ô Liban presque éteint de mes soixante-quinze ans
Durant ton long coma, entre tes deux paupières
Tu laissais poindre parfois une faible lumière
Dans les pupilles ternes de ton regard absent
Ô cher Liban de mes quatre-vingt huit ans
Ton drapeau soudain est brandi par mille jeunes gens
Qui, lassés des clivages religieux persistants,
Aspirent à retrouver cette harmonie d’antan.
Cet élan national fut de courte durée,
Une milice sectaire l’a promptement réfréné
Afin qu’il ne devienne pas un raz-de-marée
Balayant les clivages conçus par les aînés.
Quelque fois je rêve au Liban de ma jeunesse
A cette Suisse d’Orient colorée et sereine
Qui fut anéantie par des poussées de haines
Et les dévastations d’incursions vengeresses.
Les derniers bombardements ont frappé très fort
Et sous les gravats gisent des milliers de morts…
Beyrouth est à son tour une ville martyre
Dont la voix n’est plus qu’un désespérant soupir.
JB