L’esprit du loup
Mais pourquoi donc le chien, sous espèce du loup gris,
Est tant aimé des hommes alors que l’authentique
Lupus, depuis toujours, leur est antipathique ?
En carnassier féroce souvent il est décrit
Par les conteurs en quête de récits sanguinaires
Où sont croqués tout cru chaperons et grand-mères.
Rien d’étonnant à ce qu’il créât la frayeur
Dans toutes les chaumières, ce nocturne rôdeur.
On évoquait parfois ces bébés adoptés
Par des mamans louves qui les avaient allaités.
Cela suscitait, certes, beaucoup de commérages
Mais ne changeait pas du loup la cruelle image.
Pourtant, quelle erreur de les croire sans usages !
Quand ils vont en meute, ils tiennent compte de l’âge:
Les plus vieux marchent en tête pour qu’on ne les sème pas
Suivis par les plus forts qui se règlent à leurs pas,
Toujours prêts à les défendre en cas d’agression
Ou à les épauler s’ils en font la démarche,
Viennent ensuite les plus jeunes qui ont obligation
D’obéir au loup Alfa qui, lui, ferme la marche.
Ayant ces lupus une rigueur exemplaire,
Ils m’inspirent le respect bien plus que leurs faux-frères
Tenus en laisse, contraints de mendier leur pitance.
Les humains sont flattés par cette dépendance.
Ils ont appris aux chiens à leur lécher la main
S’ils veulent être dorlotés, obtenir des câlins.
Or, sans les hommes, il n’en survivrait pas beaucoup
De ces « nourris, logés » que sont tous ces toutous.
Le loup, comme dans la fable, a horreur du collier.
Il chasse, c’est son droit et refuse de se lier
A des êtres qui voudraient le mettre en esclavage,
Même pourchassé, il préfère l’état sauvage.
Des terriens veulent sa mort pour être les seuls maîtres
Des biotopes qu’ils contrôlent presqu’en totalité
Et leur haine du loup n’a qu’une seule raison d’être,
Celle d’avoir refusé de se laisser dompter.
Si nos élus possédaient, du loup, la constance
Nos assemblées n’auraient pas l’allure de chenils
D’où montent les jappements de roquets inutiles
Mais de cénacles où l’on débattrait sans outrance.
Viva ! JB