A mon ami d’enfance Jean Villard qui se remet aujourd’hui à l’hôpital d’une grosse opération.
Plus qu’un ami, un frère.
Quand nous nous sommes vus pour la première fois
Nous avions quatre ans et de rien n’étions sûrs
Tu étais tout en pleurs et avais le teint blanc
Des enfants qui habitent dans les allées obscures.
Ta mère te serrait doucement sur son cœur
Et à ton frère Eugène, dans ce dit pensionnat,
Qui était en vérité un orphelinat
Elle confia le soin d’être ton protecteur.
Ton père était prisonnier chez les Allemands
Qui occupaient la Savoie avec les Italiens
A Marseille ma mère était chez ses parents
Mon père avait rejoint un maquis clandestin.
Nous vécûmes des années de tristesse extrême
Offrant au maréchal notre petite enfance
Privée de tendresse, affamée, en souffrance
Qui se devait d’aimer ce « Sauveur de la France »…
Mais ce vieux en képi était trop solennel
Pour prendre dans nos cœurs la place des absents.
Au-dessus du tableau son regard officiel
Ne nous rappelait en rien celui de nos parents.
Les femmes qui nous gardaient étaient de vraies mégères
Et pour les contrarier nous devînmes méchants.
Nous allions en cachette poser nos excréments
Dans leur lit pour ensuite jouir de leur colère.
C’était notre « guéguerre » dans l’effroyable guerre
Qui ravageait le monde et tuait tant d’humains
Nous résistions aussi mais à notre manière
A la hargne des harpies en garde des orphelins.
Et puis, nous les chanceux, qui avions père et mère,
La guerre terminée, retournâmes chez nous.
Les foyers dispersés se ressoudaient comme hier
Mais nos mémoires gardaient la marque des mauvais coups.
Et mon ami Villard qui a aujourd’hui mon âge
Est bien plus qu’un ami, c’est un frère de cœur.
Nous avons tous les deux partagé des douleurs
Qui nous lient à jamais tel un puissant cordage.
Viva
Tiens bon Jean! Oui nous nous prénommons Jean tous les deux
JB