Où est donpassé autrui ?
Autrui, c’est mon semblable
Il est reconnaissable
Naguère on se voyait
Parfois, on se souriait.
Les rues en ce domaine
Etaient bien plus humaines.
Pourtant, ne rêvons pa s
Malappris, scélérats
Certes, en moins grand nombre
Créaient des zones d’ombre.
Mais autrui était là
Et l’on pouvait compter
Sur lui, dans la cité.
Depuis, je le vois flou parmi tous ses semblables
Anonyme, il se fond dans la foule innombrable
Et je ne parviens plus à le différencier
Du pullulement incohérent qui s’entasse
Dans les labyrinthes des réseaux routiers
Et les jours d’évasion sur toute aire
Où l’entraîne l’instinct grégaire.
Le voici qui s’arrête, se détend, se prélasse
Puis de nouveau reprend la cohue casanière…
Mais où est donc autrui dans ce fourmillement
Qui va, qui vient, sans but logique
Et se meut selon une arithmétique
Qui échappe à mon entendement ?
Où est autrui ? Je l’ai perdu,,
Perdu dans cette multitude esclave
Des patrons qui la dominent,
Des marchands qui la gavent,
Des partis qui l’endoctrinent,
Des écrans qui la fascinent
Afin qu'elle ne puisse briser
Son faux bonheur mécanisé
Autrui est dans ces bureaux, patrie des chefaillons,
Dans ces grands ateliers, pareils à des prisons,
Dans ces embouteillages des départs en vacances,
Dans ces lundis moroses où tout recommence :
L’acceptation de son sort, la lutte terre à terre
Pour une promotion ou un plus haut salaire,
Sans oublier la bouffe et la partie de cul
Puis le sommeil béat des esclaves repus.
Et le boulot encore et le boulot toujours,
Les brèves escapades, les éternels retours…
Oui, j’ai perdu autrui dans ce cycle infernal
Autrui que j’observais du haut du piédestal
Où prétentieusement je m’étais installé
Pour ne pas me confondre avec la mêlée
Et critiquer ce monde en toute impunité.
Mais autrui, c’était moi, autant que vous, pardi !
Vanité ! Vanité !
L’Ecclésiaste l’a bien dit :
Tout n’est que vanité !
JB