Sous nos yeux

Sous nos yeux

Sous nos yeux c’est toute une nation qu’on élimine.

Sous nos yeux c’est la Palestine qu’on assassine.

Des voix, enfin, s’élèvent contre ce crime perfide

Qu’elles qualifient d’un mot qui fait peur : génocide.

On les voudrait massives ces voix éparpillées

Qui pour se faire entendre doivent s’égosiller

Et sont souvent qualifiées de perturbatrices

Par ceux qui, de cette abjection, se font complices.

Sous nos yeux a été rasée une ville immense.

Ciblés par la mitraille, en proie à la famine,

Sous nos yeux ses habitants errent dans ses ruines

Sans sortir les puissants de leur indifférence.

Certains envisagent même, à la fin de cette guerre,

De transformer Gaza en stations balnéaires

Sous nos yeux, l’atroce souvenir de la Shoa

Revit en Palestine et s’appelle la Nakba.

Comment les descendants des victimes du nazisme

Peuvent-ils se comporter aussi cruellement

Et abattre par vengeance des civils innocents

D’un massacre de tueurs mus par le fanatisme ?

Une riposte s’imposait mais pas cette hécatombe.

Il en faudra encore des exodes et des tombes

Pour chasser de cette terre tous les Palestiniens

Et s’implanter en force sur les rives du Jourdain.

De mes yeux je vois des colons patibulaires

Tirer sur des bergers, s’accaparer leurs terres

Avec l’appui d’un gouvernant concussionnaire 

Qui, pour fuir la justice, s’est promu chef de guerre.  

Je revois le rabbin au regard terrifié,

La pâleur de sa femme tétanisée d’effroi

Par la trappe entr’ouverte de notre grenier

Où ils restèrent enfermés durant plus d’un mois.

Exfiltrés vers la Suisse, ils s’en sortirent indemnes.

Pourquoi rejaillissent-ils si fort de ma mémoire ?

Seraient-ce tous ces regards chargés de désespoir   

Qui me rappellent les leurs et des nazis, la haine ?

JB