Mes illusions perdues (glissez sur la pub)
La Commune a passé par là.
Je vote par habitude, plus que par conviction,
Pour faire, comme on dit, mon devoir de citoyen
Mais persuadé que toutes ces élections
Ne changent pas grand-chose, ne servent presqu’à rien.
« Élection piège à cons »! Ce cri d’un mois de Mai
Résonne encore en moi cinquante-six ans après.
On avait déterré les pensées libertaires
Qui dormaient dans les allées d’un vieux cimetière.
Décharges de chassepots pour les communards,
« Lacrymos » et matraques pour les soixante-huitards
Revivre les barricades en enfant de bourgeois
N’engendra pas de carnage mais beaucoup d’émoi.
Ce fut un feu de paille, les syndicats pratiques
Évitèrent de se mêler aux bruyants tapages
Laissant aux étudiants les pavés symboliques,
Ils négocièrent et obtinrent des avantages
Mais que de beaux slogans aux airs de galéjade
Jaillirent chaque jour derrière les barricades
Qui, dit l’un d’eux, « ferment la rue mais ouvrent la voie »
Un autre lui réplique : « Enragez-vous avec joie »
Et si la Commune fut « une hécatombe immense »,
En soixante-huit aucun flot de sang ne coula –
Il n’y eut que bosses, coquarts, et moult remontrances –
Mais l’esprit communard était passé par là.
« Sous les pavés, la plage »! Impossible d’oublier
Ce slogan qui aurait plu à Eugène Pottier
Sa chanson sur la Commune, elle, le proclame
« C’est sous le soleil que notre avenir se trame ».
Alors oui, je l’avoue, je vote sans conviction
Les candidats actuels sont en panne d’idéal.
Qui donc face à un peloton d’exécutions,
Aurait le panache de crier « Vive la sociale » ?
Qui donc serait prêt à sacrifier sa vie
Pour des déshérités frappés par l’indigence ?
Qui donc résisterait à toute démagogie
Et, au risque d’être rejeté, dirait ce qu’il pense ?
Prenons la colère paysanne du moment :
De petits éleveurs qui en bavent vraiment
En territoire occitan bloquent une autoroute
Et c’est la FNSEA que tout le monde écoute !
Ce syndicat, qui regroupe les gros semenciers
Et les gros éleveurs qui ne font pas pitié,
Ameute ses adhérents, bloque toute circulation
Pour contraindre l’État aux pires concessions.
Or si bien des paysans vivent dans l’indigence
Il en est d’opulents qui sont de gros pollueurs
Et qui veulent exploiter tous les sols à outrance
Au détriment des biotopes protecteurs.
Il existe un autre syndicat plus lucide
Que cette FNSEA aux mains des plus avides.
La Confédération paysanne, elle, défend
Une agriculture soucieuse d’environnement.
Et pourtant c’est toujours la FNSEA
Qui est l’invitée des plus importants médias
Comme disait La Fontaine, à juste titre d’ailleurs,
« La raison du plus fort est toujours la meilleure ».
Les liens entre la Commune et Mai soixante-huit
Ils sont dans cette envie de modifier cela.
D’espérer que les plus forts, un jour prennent la fuite
Devant les plus faibles qui leur crieraient : « Halte-là » !
Voilà pourquoi je vote sans me bercer d’espoir
Par habitude c’est sûr et bêtement par devoir
Tout en sachant que je valide ce « piège à cons »
Parce qu’hélas j’ai perdu mes plus belles illusions.
JB