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Réminiscences (suite) Trois jours au paradis
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Trois jours au paradis (suite)
Les montagnes au loin étaient devenues sombres, 
Avec sur leurs crêtes des dentelles de neige rose 
La faim me tenaillait quand j’aperçus son ombre 
Qui courait vers la grange en tenant quelque chose.
C’était une musette qu’elle posa dans mes mains
Dès qu’elle eut gravi l’échelle qui menait vers moi.
Une odeur de pomme mûre, de tome et de gros pain
Fit couler sur mes joues deux grosses larmes d’émoi.
Par la fenêtre de sa chambre, après le dîner,
Elle avait fait le mur emportant ces provendes
Qui m’étant si généreusement destinées.
Je les ai absorbées avec une faim gourmande.
Puis les grillons nous bercèrent de stridulations
Qu’un hibou ponctuait de ses hululements.
La grange nous offrait un pan de firmament
Et nos yeux se perdirent dans les constellations.
Deux étoiles soudain vinrent les agrafer
C’était Aldébaran et bien sûr Bételgeus
Est-ce grâce à leur nom de magicien ou de fée
Qu’on ressentit cette attraction mystérieuse ?
Je ne l’entendis pas quand elle quitta les lieux
Mon esprit s’était évaporé dans les cieux
Mais dans la nuit, plus tard, je fus sur le qui-vive,
Des rats cherchant pitance couraient sur les solives.
Sur le chemin de l’école assez tôt le matin
Avec un petit déjeuner Lucile revint
– Un cruchon de lait et deux grosses tartines –
« Ce soir, près du Gelon » lâcha-t-elle en sourdine..
Ce grand amour d’enfant ne dura que trois jours,
Trois jours de pur bonheur, d’instants inoubliables.
Le jeudi, pas d’école et donc pas de cartable,
Elle sortit son vélo et nous fîmes un grand tour
Par des chemins grimpant entre les pâturages.
On atteignit un bois tout bruissant de ramages
Et juste après cette cacophonie brouillonne,
Nos yeux furent happés par la chaîne de Belledonne.
Elle était encore loin mais elle nous parut proche
Comme si les distances avaient été abolies.
Des torrents dévalaient ses plissures de roches
Lacérés de crevasses, jalonnés d’éboulis.
Même si nous ignorions encore les plissements
Qui avait généré ces chaos fantastiques,
Nous ressentions, en nous, cette force tellurique
Qui avait chamboulé ce sol si violemment.
Trois jours vite passés, pourtant indélébiles,
Trois jours rien qu’à nous d’imprédictible bonheur.
Le garde champêtre ignora que sa douce Lucile
Avait partagé les errements d’un fugueur.
Cet amour pur d’enfants qui ignoraient l’envie,
Ponctué chaque soir par un baiser sonore,
Ne s’est pas dissipé, peut apparaître encore
Quand je reviens en rêve aux sources de ma vie.
Des larmes ont fait scintiller ses beaux yeux de jade
Quand je l’ai laissée pour rentrer à la maison
D’où ma mère exerçait une puissante attraction
Qui m’arracha à cette merveilleuse escapade.
Jamais je ne la revis, mais en cet instant
Dans l’eau d’une rivière où folâtrent des truites
Le visage émerveillé de deux jeunes enfants
Frémit comme un frisson et disparaît trop vite.
Viva JB

 

Réminiscences (suite) Trois jours au paradis
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Réminiscences (suite) Trois jours au paradis
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