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  Le Cambodge face au pragmatisme des spéculateurs.

Il y a deux jours, je me suis permis d’émettre un avis sur la nouvelle classe moyenne chinoise, mais que penser de la classe moyenne naissante qui a germé sur les charniers laissés par les Khmers rouges au Cambodge ? Encore une fois je ne tiens pas à jouer les papy donneurs de leçon, mais mes souvenirs sont là pour me rappeler un passé où dans ce petit royaume existait une élite très attachante. Sans négliger l’argent, elle appréciait aussi la culture et s’en nourrissait avec la même gourmandise qu’elle affichait pour les poissons, le riz, les légumes bios (le bio c’est pour Julienne) provenant des terres fertiles et des eaux du grand lac Tonlé Sap.

En ce temps là, il n’y avait pas de famine. Le petit prince qui régnait sur ce pays était aimé du petit peuple mais, hélas, ne voyait pas, ou faisait mine de ne pas voir l’élite montante aspirant à plus de considérations de sa part. C’était l’époque où il me disait : « Monsieur Bertolino, quand je veux que mes jeunes deviennent anti-communistes, je les envoie à Pékin et quand je veux qu’ils reviennent communistes, je les envoie à Paris » C’est sans doute ce JE qui était de trop, un JE qui heurtait une certaine jeunesse avide de passer d’un infantilisme national à un adultat où leurs idées et leurs aspirations pourraient être entendues et prises au sérieux.

Les Khieu Samphâm, Saloth Sâr, Ieng Sary, sont en effet passés par Paris mais ils n’auraient peut être pas sombré dans la sanguinaire utopie khmère rouge, si une vraie démocratie leur avait permis d’exprimer librement leurs pensées. Certes, ils n’étaient pas les représentants typiques d’une classe moyenne formée par un enseignement qui puisait alors l’essentiel de ses connaissances dans l’histoire et dans les œuvres philosophiques ou littéraires de la France, ex puissance mandataire. La majorité de cette classe moyenne khmère d’alors aspirait plutôt à un libéralisme nuancé et à un pacifisme rassurant que le Sangkum Reast Niyum, le parti de Sihanouk, savait assez bien incarner. Au demeurant, c’était une gageure de croire que le pays pourrait rester à l’écart du conflit américano-vietnamien, tout en étant situé dans l’épicentre du grand séisme idéologique qui divisait le monde.

Les communistes Khmers réfugiés dans la jungle aux frontières du Laos, conformément à l’enseignement tiré de la révolution française furent, comme Robespierre, convaincus que seule la terreur pourrait assainir le pays qu’il jugeait corrompu par le capitalisme. La Chine furieuse contre les Viets qui, à son alliance jugée virtuellement envahissante, avaient préféré celle des Russes, les encouragea dans cette idée et les arma pour qu’ils puissent la concrétiser. Les Américains aux prises avec les Vietnamiens du nord, firent de même en sous main.

Résultat : la grande majorité des intellectuels non communistes et mêmes communistes, victimes, eux, des purges internes, furent anéantis. Ah oui, ils ont fait du passé table rase ces intellos marxistes qui dans leur isolat frontalier macéraient jusqu’à en perdre la raison. Aujourd’hui dans ce nouveau Cambodge qui pousse sur les ruines du nonchalant et paisible royaume d’hier, les quelques survivants du grand holocauste ne parviennent plus à sourire vraiment et « gardent au fond du cœur une plaie ouverte ». La nouvelle élite les ignore. Elle, la langue de Molière, les pensées de Pascal ou le discours de la méthode de Descartes, elle s’en contrefiche. Ce qu’elle veut, c’est vivre dans le grand tourbillon spéculatif qui aujourd’hui fait tourner le monde jusqu’à lui donner le vertige et qui ne laisse aucune place aux affinités d’autrefois. A Phnom penh, les nouveaux riches jargonnent l’Américain, la langue du dollar, et le chinois celle des gros investisseurs les plus proches. C’est triste, mais c’est comme ça. En massacrant la vieille élite, les Khmers rouges ont aussi déculturé le Cambodge et il faudra des lustres avant qu’un éclectisme nouveau ne refleurisse.

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